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LE CHOIX ET LE MASSACRE : LA DEMOCRATIE SELON SQUIDGAME

Dernière mise à jour : 9 févr.

 

« Nous n’autoriserons aucun acte qui soit de nature à entraver le processus démocratique, j’invite donc le reste des joueurs à poursuivre le vote »  ordonnent les soldats roses de la série SquidGame lorsque les participants s’écharpent pour décider de poursuivre ou d’arrêter ces morbides jeux d’enfants (Saison 1, Épisode 2).


Cette série est liée au contexte socioéconomique de la Corée du Sud. Au-delà du côté sanglant (voir fascinant ?) inspiré du jeu "Fortnite" ou des films "Battle royal", "Hunger Game", selon le principe du « jeu du dernier survivant », la critique sociale, économique et démocratique est puissante. En effet, la Corée du sud est traversée par des fractures malgré son image de pays dynamique et porteur de nouvelles technologies (Samsung).


Le réalisateur Hwang Dong-hyeok, un opposant au pouvoir sud-coréen, a mis tout son talent pour dénoncer ce qu’il considère comme les dérives de son temps. Le combat de classe, l’exploitation de l’homme par l’homme, la société du divertissement à tout prix, le cynisme du capitalisme, l’inhumanité ou la bêtise des gens ordinaires dans un système qui les broies… Il accentue dans cette deuxième saison la critique de la démocratie pour montrer qu'elle n'est qu'une vaste manipulation et qu'elle obéit à des modes opératoires entachés de vices.


Des ‘participants’, choisis pour leur détresse sociale car très endettés (en 2021, la dette des ménages en Corée du Sud, était la plus élevée d'Asie, plus de 100% du PIB ! ) doivent concourir dans des jeux enfantins pour échapper à l’extermination. Ces personnes pris au piège dans la spirale de la dettes n’ont pas d'autres issues que de tenter de gagner.


En dehors de l’ambiance chaotique, avec l’abatage en masse des ‘perdants’ aux jeux d’enfants.

En dehors du gain de 45,6 milliards de wons (soit 32 millions d'euros) pour l’unique survivant..

En dehors du profil des participants identifiés comme des déchets du système…


Dans cette démocratie très, très altérée où les votants sont au pied du mur, coupés du monde, entourés d’hommes en armes, certains processus de délibération sont mis en lumière : le profil des votants, les débats, le mode de scrutin, le poids de la décision sur l'avenir du groupe, les slogans, les prises de position, les luttes d'influence, l'intimidation, l’intérêt à voter, l’intérêt général ou la somme des intérêts individuels, etc.


ATTENTION AU SPOIL :)


Pour ceux qui n’ont pas vu la série vous allez découvrir, la démocratie des « cas sociaux ».


SAISON 1


Épisode 2


Les règles sont simples : 456 participants (manipulés pour participer à un jeu qu’il ne connaissent pas) croient qu’ils s’engagent ‘volontairement’ à jouer pour empocher le gros lot. Or, gagner équivaut à survivre, et perdre à recevoir une balle (le plus souvent en pleine tête…) et la survie est éphémère parce que la cervelle à 99,9% de chance d’exploser … autant dire qu’il s’agit de suicide par ce qu'il n’en restera qu’un !


Avant de commencer à jouer les participants doivent signer un formulaire de consentement, une sorte de contrat, qu’ils signent sans le lire, sauf Seong Gi-hun, le personnage principal.


Ce contrat très simple stipule : 


  • 1er clause : les joueurs n’ont pas le droit d’arrêter de jouer.

  • 2éme clause : les joueurs qui refusent de jouer sont éliminés.

  • 3éme clause : si la majorité des joueurs décident d’arrêter le jeu, le jeu s’arrête.


C’est cette troisième clause et le critère de « la majorité » qui nous intéresse. Nous pouvons l’opposer au principe de « l’unanimité » qui suppose que si sur 100 votants, un votant n’est pas d’accord avec les 99 autres, alors la résolution n’est pas adoptée. En droit il est courant de dire que « l’unanimité est l’ennemie de la majorité ». Cela signifie que lorsqu’un seul peut s’opposer à la volonté de tous alors l’intérêt du groupe n’est pas protégé. 


Bref.


La majorité est plus démocratique que l’unanimité, donc bravo SquidGame !


S’il est marqué que le choix de la majorité des membres du groupe prime, pour le contractant, c’est une fausse porte de sortie. En effet, les joueurs ont l’impression qu’ils ont le choix d’arrêter ou par effet inverse de continuer, l’effet d’engagement est puissant, mais il s’agit en réalité d’un contrat de mort. Ils ont le choix de survivre ou de mourir.


Sauf que… le premier jeu « 1, 2, 3 soleil » élimine 255 joueurs, soit la moitié des participants d’un coup. Ceux qui restent (201 participants) commencent à perdre leur sang-froid, à s’interroger sur l’importance de leur vie, ils comprennent que le sang (leur sang ?) allait jaillir… ce qui rend le jeu nettement moins amusant.


C’est alors que devant l’effroi du jeu, Cho Sang-woo le joueur N°218 invoque la troisième clause, pour que le vote est lieu. Mais les organisateurs ont tout prévu ! Ils essaient d'appâter les participants, pour les encourager à rester, avec une cagnotte géante en forme de ‘cochon tirelire’ qui sort du plafond. Ce pot commun est alimenté en liasse de billets. Le montant est calculé par rapport à la mort de chaque joueur, chaque mort rapporte 100 millions de wons (66 490€), ce qui fait qu’à ce stade (après la première extermination de 1,2,3 soleil) 25,5 milliards de wons (1 662 257 €) ont été accumulés. Les organisateurs précisent que si le jeu s’arrête cet argent sera redistribué aux familles des joueurs morts, ainsi cet argent sera définitivement perdu. Monnayer la mort et le meilleur moyen de laisser les joueurs s’entretuer !


Cette situation de vote n’est pourtant pas commune, le choix entre se faire assassiner ou gagner des millions ne correspond pas vraiment à ce que nous mettons tous les jours dans la balance pour décider pour quoi ou pour qui voter…


Ainsi, les votes commencent. Les votants ont le choix entre deux options, soit ils appuient sur le rond vert O et la partie continue, soit ils appuient sur la croix rouge X et la partie s’arrête. Les votes ne sont pas secrets et le décompte des suffrages se fait en direct.


Évidemment, pour plus de suspens le résultat se joue à une voix prés. Lorsque le dernier votant va choisir, tout repose sur lui, il a le choix d’engager tout le groupe vers la mort ou la survie.


Heureusement, ce dernier votant, âgé et sage (qui est un des créateurs du jeu qui se fait passer pour un joueur) choisit de ne pas poursuivre le jeu. Le fait qu’il est le dernier mot et qu’il choisisse de cesser le jeu est révélateur. Le message est que chaque élection est truquée et que ceux qui choisissent ne sont jamais réellement les votants mais ceux qui les manipulent. En effet, il était persuadé qu’en décidant ainsi, les joueurs reviendraient jouer.


Ainsi, le jeu s’arrête, les joueurs partent. Cependant les maitres du jeu disent « Il est fort dommage que nous devions nous dire au revoir de cette manière, vous devez toutefois savoir que les portes de notre jeu ne vous seront pas entièrement fermées, et si une majorité d’entre vous décide de revenir la partie pourra alors reprendre. Mesdames et messieurs, je vous dis à bientôt »


En disant « à bientôt » le côté prémonitoire et manipulateur apparait encore plus en évidence.


Malheureusement, pour les participants, mais heureusement pour la suite de la série, les joueurs attirés par l’appât du gain reviennent se jeter dans la gueule du loup. Ils sont 187 à revenir alors qu’ils connaissent leur funeste destin. Le piège se referme encore plus fort et le consentement au pire est à son comble. Comme l’expose ce podcast du précepteur SQUID GAME - Consentement et manipulation.


SAISON 2


Dans la deuxième saison, l’accent est particulièrement mis sur le vote qui a lieu après chaque jeu. Comme le disent les gardiens « Nous respectons votre droit à la liberté de choix », « Votre participation volontaire à nos jeux est et restera toujours notre plus haute priorité ». Le vote est là pour engager toujours plus les participants et la liberté de choix n’est qu’un piège.


Cette saison 2 s’appuie sur le côté clivant du vote en montrant comment les volontés antagonistes sont prêtes à s’entredéchirer. Tout est mis en exergue pour que les votants s’identifient comme des adversaires. Par exemple, les votants doivent mettre un badge sur la poitrine avec le signe du vote 0 ou X, ils restent ainsi totalement identifiables durant tout le jeu. Il y a également une séparation forte identifiée entre ceux qui veulent rester et ceux qui veulent partir en les démarquant physiquement lors du vote. Les uns se places à gauche, les autres à droite. Cela montre que les règles du vote conduisent les participants à se cristalliser dans des positions irréconciliables pour les pousser à l’adversité.


Épisode 3 saison 2

Dans cette nouvelle série, le jeu d’enfant 1,2,3 soleil tue ‘seulement’ 91 joueurs, ce qui représente, dans la bourse aux morts, 9,1 milliards de wons (6 050 617€). Mais la règle de répartition n’est plus la même, si les joueurs décident d’arrêter ce montant sera réparti entre eux à hauteur de 24 millions de wons par participant (15 957€), ce que beaucoup trouvent largement insuffisant.


Ainsi, à lieu le vote qui dure les 17 dernières minutes de cet épisode, ce qui représente un quart de l’épisode d’une heure. C’est un aspect crucial de l’épisode et de la série.

L’intensité du vote est montante et chaque vote est mis en scène pour montrer le caractère combatif de chaque décision.


Alors que les votes sont à égalité, 182 contre 182, le joueur 001 (qui est le maitre du jeu, c’est-à-dire l’organisateur du jeu qui se fait passer pour un joueur) vote pour rester dans la partie et engager le groupe vers la mort. Même dans le vote le mal triomphe toujours !


Épisode 5 saison 2

Cette fois-ci, c’est le joueur 001 qui commence à voter, ça commence dans le sens inverse en donnant le choix en premier à celui qui a fait basculer le précédent vote. Toutefois, il change son vote et décide de partir. Cela pour montrer que le vote ne vaut rien, il change en fonction de la stratégie des décideurs masqués. Un fils malheureusement embarqué avec sa mère change également son vote contre l’avis de sa mère. Un autre est mis sous pression par deux compères pour voter pour rester dans le jeu alors qu’il veut absolument en sortir. C’est l’exemple de la versatilité des opinions et des votes qui fluctuent selon les calculs dérisoires des individus.


Au milieu du vote des discussions ont lieu, à l’initiative de ceux qui veulent rester dans le jeu (identifier comme les méchants). Le leader de ce groupe est le joueur numéro 100, un sénior très éloquent et charismatique qui fait preuve d’un caractère affirmé et intimidant. Ce joueur numéro 100 lancent également un slogan pour encourager la ferveur de leur groupe « un jeu de plus ! », il défend que si les joueurs actuels en sont arrivés là c’est par ce qu’ils savent gagner. Après quoi tous les joueurs qui veulent continuer continuent à hurler leur slogan en levant les deux bras en l’air. Voilà le poids de l’argumentaire et des slogans sur les votants et la place du leader d’opinion.


Il semble que ces éléments de campagne et de ferveur de groupe ont connu le succès car cette fois le camp de ceux qui veulent rester gagne encore plus largement avec 139 qui ont voté le cercle 0 pour continuer contre 116 qui ont voté la croix X pour partir du jeu.


Le joueur 456 Seong Gi-hun, (le personnage principal) est dépité. Lui qui avait l’air si déterminé et charismatique au début de la saison 2 n’arrive pas à trouver la formule pour guider les autres joueurs à faire le bon choix. C’est un fait il perd ses moyens devant la bêtise humaine. En tous cas, il ne connait pas les ressorts qui poussent les individus à voter.


Ainsi, tout le monde reste et ils vont procéder au 3éme jeu.


Épisode 6 saison 2

Ici c’est le camp de ceux qui veulent partir qui font des pronostics et compte le nombre de joueurs qui veulent voter comme eux. Ils espèrent que ceux qui ont voté pour rester vont changer d’avis. Ils sont dans l’espoir béat et pas dans la stratégie politique.

Ici le vote est serré jusqu’au bout et c’est encore le joueur 001 (le faux joueur) qui va retourner la situation et faire en sorte que les votes soient à égalité et qu’il y est un nouveau vote. Comme quoi c’est encore le maitre du mal qui a le dernier mot alors que le groupe croyait décider.


Sauf qu’en faisant égalité, cela ne s’arrête pas, les enjeux du scrutin prennent une nouvelle tournure, il y aura un nouveau vote. L’organisateur dis alors « afin de donner à tous les joueurs le temps de la réflexion, le vote sera organisé demain. D’ici là je vous conseille de réfléchir attentivement à votre avenir ». Réfléchir à comment mieux s’entre tuer ! tout n’est que manigance, car ils savent bien que l’égalité va conduire les deux camps aux pires exactions pour éliminer physiquement l’opposition afin de gagner le vote du lendemain.


L’inévitable arrive et les deux camps se saignent pendant la nuit...


"l’égoïsme et la cupidité de l’homme sont les moteurs du système" Hwang Dong-Hyeok (réalisateur de la série SquidGame)

 
 
 

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